« On ne fait pas des enfants pour les voir mourir »

Article : « On ne fait pas des enfants pour les voir mourir »
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16 septembre 2018

« On ne fait pas des enfants pour les voir mourir »

Bon, je refusais catégoriquement l’idée de réécrire cette lettre mais comme j’essaie d’assumer l’existence de ce sujet et que le couple m’avait envoyé un deuxième courriel me demandant pourquoi leur “histoire n’a pas encore été postée”, je me force à trouver les mots afin d’exposer ce drame sans trop pleurer.

“Figurez-vous madame que nous continuons à vivre juste parce qu’il le faut. Je m’appelle Catherine et avec mon époux Paul, on vous écrit cette lettre car les belles histoires donnent de l’espoir mais les cauchemars existent aussi. Nous avons trois enfants, deux garçons et une fille. Il est vrai que notre benjamine a été découpée en morceaux et que nous avons dû la reconstituer tel un puzzle pour l’enterrer, cependant, nous n’acceptons toujours pas le fait qu’ils sont deux dorénavant. Nous continuons à dire que nous avons trois enfants. Petite Linda avait 17 ans lorsqu’un monstre décida de la kidnapper, de la torturer et de la couper en vingt cinq pièces, pour s’amuser. Cela fait 5ans qu’elle n’est plus parmi nous. L’éternité nous est maintenant accessible et tangible puisque le temps qui s’est écoulé depuis sa disparition jusqu’à nos jours, semble éternel! Nous passions de magnifiques moments à la campagne quand un soir notre fille ne rentre pas. Le lendemain matin nous étions follement inquiets. Quand nous arrivions à la gendarmerie, les officiers nous regardaient, les yeux grands ouverts. Moi, Catherine, ne comprenais pas leur réaction. J’avais l’impression que le sujet n’était pas assez étrange et que les hommes connaissaient déjà de quoi l’on parlait. Quand mon mari eut fini son discours, un policier nous demanda de nous asseoir. Mes larmes coulaient car j’avais compris que j’ai perdu ma fille.

On nous expliquait calmement qu’une dame avait trouvé un colis devant sa maison et, ne voulant pas l’ouvrir, elle appela la police. La boîte contenait le cadavre d’une jeune fille, et là, l’univers éclata! Je n’écoutais plus la suite. Paul essayait de me calmer mais mon instinct maternel ne pouvait que bouillir. Vous ne pouvez pas imaginer (oui c’est vrai je ne le peux point) comment mes cellules se déchiraient, mes cheveux crispaient, mes oreilles sifflaient, mes dents grinçaient, mes ongles se cassaient et mon cœur refusait l’ordre cérébral de s’éteindre. Ce muscle têtu battait même encore plus fort comme pour me demander de revenir”.

Je ne voulais pas continuer la lecture. Je ne voulais pas accepter le fait que Linda était dans ce colis. Je voulais ouvrir un nouveau courriel et penser que voilà, le cadavre n’est pas celui de la fille. Mais c’était trop tard. Je leur avais promis la publication de leur histoire.

“Un inspecteur arriva et nous demanda si nous étions capables de le suivre afin d’identifier le corps. Paul me tenait la main et tremblait. Moi je ne pouvais même pas bouger mes orteils mais une colère immense me poussa dans la morgue pour découvrir que ma fille, ma fille à moi est découpée en 25 morceaux. De quelle tristesse vous parler? Celà n’est pas vrai. Nous ne sommes pas tristes, nous vivons dans un état au delà de ce terme banal qu’est la tristesse. »

Je veux vraiment arrêter la réécriture de cette lettre mais la conclusion manque.

“Nous ne pouvons pas vous expliquer les sentiments qui nous envahissaient mais je peux vous assurer que la vie n’avait plus de sens. Nous avons deux garçons et nous continuons à vivre pour eux, mais la perte d’un enfant ne sera point un sujet que l’on peut surpasser. Non! Ce n’est pas une option. Madame, quand notre Linda est morte, le ciel est mort aussi, les anges de même et nos cœurs se sont refroidis pour toujours. Trois ans plus tard, un détective nous appelle pour nous annoncer qu’ils ont retrouvé le coupable. Un jeune psychopathe qui avait tué deux autres filles juste « pour s’amuser ». Le pire est de ne pas pouvoir se venger. Nous savons que ceci ne nous rendra pas notre fille mais il le faut Madame, il faut que nous puissions nous venger d’une manière ou d’une autre afin de calmer la colère atroce qui nous ronge l’esprit. Nous ne planifions rien pour l’instant mais nous sommes d’accord qu’une action personnelle est nécessaire. Nous sommes déjà morts une fois, nous ne voulons pas tuer Linda une deuxième fois. »

Voici l’intégralité de la lettre. Pour une première fois, je n’ai pas de commentaire à ajouter.

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