« Je le faisais rêver »

Article : « Je le faisais rêver »
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26 août 2018

« Je le faisais rêver »

Je ne sais d’où commencer mon histoire, je sais seulement que vous maniez bien les paroles et que je suis libre de vous écrire tout ce qui me vient à l’esprit. Il pensait à moi, je le faisais rêver et je savais ceci; j’étais à lui mais je ne pouvais pas être avec lui”. C’est avec ces mots là qu’elle débute sa lettre. Elle me prie de respecter son anonymat pour des raisons personnelles.

Mes pensées se bousculaient et je me posais mille et une questions: que va-t-elle me dévoiler? Que me cachent les lignes qui suivent?

Allez, continue la lecture au lieu de penser, me disais-je.

Je scrutais attentivement le contenu de son texte et toute une histoire se déroulait devant mes yeux. Je pus voir une jeune fille amoureuse d’un homme assez tendre mais fort, doux mais correct, humble mais vrai. Un homme qui l’aidait sans cesse, qui la “boostait” (comme elle avait écrit) car elle avait fortement besoin de tendresse et de compassion. Un géant de sécurité à qui l’on pouvait tout raconter car les pêchers et les malheurs éphémères se heurtaient à sa résilience de prêtre !

Oui, elle était amoureuse d’un homme aux habits noirs, qui n’avait aucune possibilité de l’aimer sans tomber dans le mal.

“Quand on se croisaient, une complicité folle se cachait dans les dessous de nos regards, mais il était fort bien persuadé à  ne pas se dévoiler, ni à me trainer dans une histoire sans fin. Or, il n’imaginait  pas à quel point ses yeux le dénudaient. Donc, pour ne plus le soumettre à la tentation, je voyageais travailler au Chili. Un sacrifice que je payais cher puisque je restais célibataire. Ma vie passait lentement et il m’était impossible d’accepter la présence d’un autre homme, de sentir un nouveau parfum ou de regarder un visage étrange. Je me demandais comment pouvait-il m’accompagner du matin jusqu’au soir sans être vraiment présent. Pensait-il à moi maintenant que je suis loin? Je faisais tout pour l’arracher de mon cœur et le déraciner de mon âme! En vain”.

Je me tortillais dans le coin de mon canapé préféré et répétais : si tu penses à lui, c’est qu’il pense à toi lui aussi, je suis sûre, je le sais! Mais que s’est-il passé par la suite ?

Si un jour vous décidez de publier ma lettre, les gens n’accepteront pas la conclusion; vous êtes libre de la changer afin que vos lecteurs apprécient la fin.”

J’allais le faire mais comme son histoire me rappelait les anciennes légendes, je me résolvais à retracer la chute sans modification.

Sept ans après, pendant que j’étais au souk en train de choisir un beau pamplemousse, une odeur qui m’était familière me figea l’esprit. Je ne bougeais plus. Du coin de l’œil je voyais cette silhouette qui me hantait depuis l’éternité. C’était lui ? Oui, c’était lui. Ses lèvres marmonnaient des mots inaudibles. Le temps s’arrêta ce jour là et je ne reconnaissais plus que ses yeux qui me fixaient et m’engloutissaient de désirs”.

Ils ont fait l’amour je suis certaine, me répétais-je.

Quand je repris le souffle, il m’expliquait que mon image ne le quittait point et que son être se fanait jour après jour. Alors il était venu vivre à mes côtés, au couvent des pères franciscains de la ville”.

Et ils n’ont pas fait l’amour ?!

Cela fait 16 ans que l’on vit ainsi. Ceci pourrait paraître idiot, mais c’est mon histoire”.

Et mon curseur ne bougeait plus! La lettre était terminée. J’étais sous le choc. J’avais envie de lui poser maintes questions, de connaitre encore plus de détails et de vivre les émotions. Hélas, je n’avais pas le droit.

Je pense toujours à cette version moderne de Tristan et Iseut, à la théorie de l’amour platonique (moi l’épicurienne sensuelle) et je n’arrive pas encore à assimiler le fait que de telles relations divines puissent exister.

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