22 octobre 2017

Les enseignants libanais humiliés à fond

Un nouveau drame s’abat sur le Liban. Les enseignants des écoles sont privés de leur droit le plus simple : toucher leurs salaires selon les nouveaux échelons reconnus par le gouvernement.

Quoi ? Oui, pour ceux qui ne vivent pas au Liban, les situations auxquelles nous nous sommes habitués ici sont anormales. Et voilà qu’une nouvelle honte touche maintenant le corps éducatif. Je vous explique.

Il y a environ cinq ans que l’Etat a décidé, suite à de multiples grèves et demandes, d’augmenter les salaires des enseignants. Parfait. C’est une bonne nouvelle; non ? Eh bien, pas tant ! Depuis, nous nous battons contre les directions afin d’obtenir notre droit légitime. Oui, j’insiste sur le fait que ce n’était qu’une question de légitimité car la loi n’était pas encore officielle.

Sachant que la majorité des établissements privés ont directement imposé une hausse considérable des scolarités sous prétexte de vouloir payer les nouveaux salaires, rien ne changeait.

Que se passait-il au juste ?

Bon, voilà : dans la construction de cette nouvelle loi, la somme finale est divisée en deux parties, une augmentation minime et de nouveaux échelons que l’on devait toucher relativement selon nos salaires de base. Ce n’est pas sorcier, je vous promets, mais mon but est d’avouer à mes lecteurs étrangers que toute cette augmentation ne vaut pas plus que 250€ ou 300$ par personne et qu’avec les scolarités de rêve que nous payons dans le secteur privé, la somme totale n’est qu’un grain de sable.

Alors, on essayait de s’entendre à l’amiable avec les « patrons » en espérant récolter le petit bonus, laissant tomber les échelons puisque l’affaire n’est pas officielle encore. Pour leur bonheur, quelques directeurs ont accepté l’idée, prenant en considération la situation de leur personnel ;  tandis que d’autres se sont accrochés au mythe de l’officialisation comme quoi, quand la loi sera signée, ils l’appliqueront sans hésitation.

Donc, ceci dit, qu’on soit d’accord, les scolarités reçues dès lors contenaient notre argent volé et les dettes des écoles grandissaient d’année en année.

Oui ! Ce sont vos dettes car cet argent ne vous appartient pas ! C’est le nôtre ! Et nous, en tant qu’enseignants, n’avions pas le droit de nous rebeller contre nos écoles car leur excuse reste basée et fondamentale : la loi n’est pas officielle.

Et soudain, vint le jour J où tout bascula -j’utilise le passé simple car je me sens dans un conte fantastique-! L’augmentation sur les salaires et la grille des nouveaux échelons passent de la légitimité à la légalisation. Félicitations! La loi est officielle et doit être appliquée.

Eh bien non! Pas du tout.

Oui, pour vous, lecteurs étrangers, ceci est inacceptable. Une loi est une loi, malheureusement pas dans mon très beau pays le Liban!

Le problème réside maintenant dans le fait que les sommes payées par les parents aux directeurs des écoles depuis six ans et qui sont effectivement destinées aux enseignants, n’ont sûrement pas été mises de côté, ce qui cause donc un problème majeur, voire grave et catastrophique: comment donner aux profs, leur droit devenu maintenant légal? Comment payer les dettes?

Je ne vous donnerai pas la réponse à cette question-qui ne devait même pas se poser si le business de ce qu’on appelle ici les écoles privées, comprenait l’importance de son personnel-, mais je vous laisse penser aux moyens et aux domaines dans lesquels notre argent a été investi.

Nous entamons une nouvelle phase de chaos: les directeurs prévoient diviser le rétroactif de l’augmentation en plusieurs versements partiels. Nous parlons d’une durée qui peut atteindre six ans! Mais le pire s’annonce dès la fin de ce mois d’Octobre, puisque la loi oblige les directions à s’exécuter selon les nouveaux règlements et à payer selon la nouvelle grille des salaires. Un devoir qui ne semble pas moissonner de bonnes intentions évidemment.

Quand on me demande d’écrire cet article, la seule question qui me vint à l’esprit demeure sans réponse. Je suis curieuse de savoir comment peut-on humilier le corps éducatif à ce point? Vous qui êtes ministres, ne pensez-vous pas à votre professeur de langues ou de mathématiques? Directeurs ou prêtres, n’aviez-vous rien appris de vos enseignants d’éducation civique ou de catéchèse ? Est-il aussi simple d’oublier ceux qui nous ont arrosés de connaissances afin de bâtir en nous un bon citoyen ? L’argent réduit-elle autant une âme joliment sculptée? Ne doit-on pas toujours respecter le concept international de droits et devoirs?

Ah, j’oublie! Je suis au Liban. Mon très beau pays aux mille et une merveilles de corruption.

Partagez

Commentaires

Richard Aouad
Répondre

Non seulement vous ne touchez pas vos droits selon la nouvelle loi, mais vous payez la TVA 11% + 8% sur vos intérêts (= économies bancaires) + les nouvelles taxes et nouveaux impôts c.à.d. vous contribuez aux scolarités des écoles publiques et aux salaires de leurs enseignants...via la caisse publique El-mizania El-aamma du ministère des Finances.

Jiji
Répondre

Exactement. Il semble que vous êtes au courant de notre lamentable situation.